La foire aux instituteurs
À situation désespérée, solution extrême : la campagne de démarchage téléphonique, lancée par Pôle Emploi en Seine-Saint-Denis pour recruter des enseignants en école primaire, est une première. D’abord et avant tout, par la méthode employée, pour le moins expéditive : pour recruter les 300 instituteurs et institutrices manquant cruellement dans le département, l’académie de Créteil a demandé à Pôle Emploi de mobiliser une plate-forme téléphonique dédiée. Objectif : contacter des centaines de demandeurs d’emploi candidats potentiels. Ce démarchage téléphonique consiste à expliquer l’offre au demandeur d’emploi, mais aussi à effectuer un premier entretien de présélection, en quelques minutes.
Mais ce sont justement les critères de sélection, ou plutôt le seul critère exigé, qui surprend : « Condition : être titulaire du Master 1 » , mentionne l’annonce publiée sur le site de l’académie.
Outre le fait qu’un enseignant en primaire intervient dans de nombreuses matières, nulle trace n’apparaît dans l’annonce d’une quelconque période de formation pédagogique. Les heureux élus se verront ainsi, du jour au lendemain, parachutés dans une classe qu’on imagine surchargée de bambins particulièrement « vivants ». Or, la loi définit « 10 compétences professionnelles à acquérir par les enseignants, documentalistes et conseillers principaux d’éducation ». Parmi lesquelles : organiser le travail de la classe, prendre en compte la diversité des élèves, travailler en équipe, coopérer avec les parents et les partenaires de l’école, se former et innover. On imagine aisément la panique de l’ancien cadre en gestion qui se retrouve, sans aucune formation, devant sa nouvelle classe !
Pour autant, ces recrutements existent depuis longtemps dans l’enseignement secondaire. Avec un process certes plus traditionnel et des critères beaucoup plus précis. Ce qui inquiète surtout dans cette démarche « exceptionnelle », c’est qu’elle pourrait se généraliser. Suite aux réformes du précédent gouvernement visant à réduire les effectifs, l’éducation nationale vit aujourd’hui une véritable pénurie de professeurs formés dans le circuit classique. Pire encore, certains stagiaires, arrivés en fin de formation, choisissent d’autres horizons professionnels…