Comment on vit avec le CDD pour seul horizon
Un brin essoufflée, Lorelei trottine vers l’agence Pôle emploi de Rennes-Est. « J’ai un rendez-vous avec un conseiller dans quelques minutes », sourit-elle, les joues empourprées par la froidure matinale.
La loi Travail a pour ambition d’inciter les entreprises à embaucher en CDI (contrat à durée indéterminée). Mais qu’en pensent les principaux intéressés ? Ceux qui enchaînent les CDD (contrat à durée déterminée) ? « J’ai du mal à me faire un avis, le texte est compliqué, avoue la jeune femme de 23 ans. En tout cas, je constate que les entreprises ne veulent plus s’engager. »
« Tous les boulots possibles »
Depuis son bac commerce en 2012, Lorelei est abonnée aux CDD, payés au Smic. « J’ai travaillé au rayon poissonnerie d’une grande surface, dans une boutique de lingerie… » Elle engrange de l’expérience. Mais sa vie quotidienne est compliquée : « Le contrat peut être inférieur à un mois. On ne sait jamais si on aura assez d’argent pour payer les 500 € de loyer. » Elle partage les charges avec son compagnon. Travaillant en intérim, il a aussi des revenus en dents de scie.
Lorelei vient d’achever un contrat de cinq mois dans un magasin de prêt-à-porter. Sa prochaine mission démarre mi-avril. Entre les deux, elle espère toucher un peu de chômage. Son rêve ? Un BTS commerce en alternance : « Je cherche une entreprise depuis deux ans. Mais les employeurs me trouvent trop chère par rapport à un apprenti de 18 ans », soupire-t-elle.
Ghislain, 42 ans, sort de l’agence. Réfugié politique, il vit à Rennes depuis 2012. « Au Congo RDC, j’étais diplomate. En arrivant en France, j’ai fait tous les boulots possibles, en CDD ou en intérim : ménage, bâtiment, ouvrier dans l’agroalimentaire… »
Le gaillard d’1 mètre 90 s’est ensuite spécialisé comme agent de sécurité. Et il a fini par décrocher le Graal : un CDI. Mais le rêve a viré au cauchemar. « Mon employeur m’a progressivement rajouté des missions, jusqu’à me faire travailler sept jours sur sept, toutes les semaines, sans jour de repos. Et il fallait se battre pour obtenir un congé annuel. »
Il a préféré tenter sa chance dans une autre entreprise. « Je viens de retrouver un CDD de trois mois. En attendant, je suis surendetté. » Et la loi Travail dans tout ça ? « Je ne vois pas l’intérêt d’ajouter de la flexibilité », lâche-t-il.
Pour d’autres, l’emploi lui-même semble inaccessible. Jeanne, qui vit à Rennes depuis deux ans, a suivi son mari, militaire, au gré de ses mutations. « On se sépare. Je me retrouve sans logement et sans ressources. J’envoie des CV. Aucune réponse. Mais, à plus de 50 ans, pas facile de trouver ne serait-ce qu’un CDD… »