L’intérim comme choix de vie

L’intérim se refait une santé. Après trois années de baisse continue du nombre d’intérimaires, la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, du ministère du Travail et de l’Emploi) relève qu’à l’été 2015, leur nombre a augmenté, passant à 549 000, soit 2% de plus qu’un an auparavant. « Tous les secteurs sont concernés par cette hausse : industrie, construction, tertiaire », ajoute-t-elle. Une embellie pour le secteur.

Pendant les trois années difficiles qui viennent de passer, la bonne réputation du travail intérimaire n’a pas été écornée. C’est une étude de l’Observatoire des métiers et de l’emploi (1) de décembre 2014 qui le dit : 88% des intérimaires déclarent avoir une bonne opinion de l’intérim et même 31% une très bonne opinion. « Cette vision positive de l’intérim, poursuit l’étude, est également partagée (bien que dans une moindre mesure) par l’ensemble de la population active. La quasi-totalité (93%) serait même prête à recommander à un proche (famille, amis) dans une situation de recherche d’emploi d’effectuer des missions d’intérim. » Pourtant, l’étude ne le cache pas : « le recours à l’intérim est souvent motivé par des difficultés à s’insérer dans l’emploi durable. »

« Ce sont souvent des gens qualifiés qui ont entre 30 et 40 ans »

L’intérim est donc très apprécié, mais il est plus souvent motivé par la contrainte que par le choix. Certains intérimaires font ce choix : ils décident en conscience – pendant plusieurs mois ou plusieurs années – de quitter ou de refuser un CDI pour enchaîner les contrats. « Nous avons des intérimaires qui refusent des CDI, car ils veulent encore apprendre, précise Marie-Christine Gayard, commerciale de l’agence d’intérim GO, à Nantes. Mais ce sont souvent des gens qualifiés qui ont entre 30 et 40 ans. » Le secteur d’activité (lié à la localisation) joue aussi : en Loire-Atlantique par exemple, Saint-Nazaire et ses chantiers navals attirent beaucoup d’intérimaires en métallurgie. « Les chaudronniers savent qu’ils auront du travail partout, donc ils peuvent se permettre de rester en intérim. » D’autres métiers sont porteurs : coffreur-bancheur, boucherdésosseur ou encore les métiers de l’usinage.

« Je repère et choisis mes entreprises »

« Ce que j’aime dans l’intérim, c’est la possibilité d’aller dans différentes entreprises, d’accéder à beaucoup de postes. » Sylvie Levron, 46 ans, est en intérim depuis un an et demi, après treize ans dans l’agroalimentaire. « Lorsqu’on postule à un poste en CDI, les recruteurs attendent de l’expérience. Pas en intérim. » Sylvie a déjà travaillé à la manutention, l’étiquetage, elle a réalisé des bouquets pour des fleuristes, travaillé sur une machine dans l’industrie du plomb. « C’est un choix dans la mesure où mes enfants sont grands et que je n’ai pas d’enfants en bas âge. Ensuite, j’apprécie la coupure entre deux contrats, cela me fait un temps de pause. Enfin, je gagne mieux ma vie qu’en CDI. »

Jérôme Valet, 35 ans, confirme. « Je gagne 1 700€ nets avec les primes et le 13e mois, pour 40h de travail comme agent logistique chez Toyota. Lorsque j’étais paysagiste, je gagnais 1 300€. » Financièrement, la prime de précarité (versée en fin de CDD) est un atout. « Grâce à elle, je peux me permettre d’avoir un ou deux mois de chômage. » Son dernier CDI, Jérôme Valet l’a quitté en 2013, « parce que je ne m’entendais pas avec l’employeur. ». Il a passé le Caces 3 (Certificat d’aptitude à la conduite en sécurité) avec son DIF (désormais Compte personnel de formation) et a intégré Toyota à Ancenis (44) comme intérimaire. « Je voulais absolument entrer chez Toyota parce qu’ils proposent des missions d’intérim de 18 mois, le maximum légal, ce qui est très confortable. Je repère et choisis mes entreprises comme ça. »

« Toucher à toutes les entreprises avant de choisir un CDI qui plaise vraiment »

Séverine Cruz, 42 ans, a choisi l’intérim en 2007, dans la logistique elle aussi. « J’étais éducateur sportif puis chauffeur d’ambulance. J’ai fait un bilan de compétences et me suis trouvée un goût pour l’organisation. Cela m’a menée au métier de magasinier cariste. » Elle apprécie d’avoir touché à tous les postes, pendant ces sept années : réception, expédition, préparation de commande, gestion de stock. Pour elle l’intérêt de l’intérim est triple : « cela permet de toucher à toutes les entreprises avant de choisir un CDI qui plaise vraiment ; cela permet de monter en grade ; enfin, certaines entreprises recherchent des gens qui ont des expériences variées. » Aujourd’hui, Séverine a envie d’arrêter. « On ne sait pas comment on va être payé d’un mois sur l’autre, car certains employeurs font signer des avenants qui diffèrent le paiement de la prime de précarité. Autre raison : je veux acheter une maison. Je cherche donc un CDI, car mes sept ans d’expérience dans l’intérim – s’ils sont reconnus dans le monde du travail – ne sont pas reconnus auprès des banques. » Un choix donc, qui dépend aussi des moments de la vie.

(1) L’OME est géré par Prism’Emploi, fédération des métiers du recrutement et de l’emploi).