Il y a du boulot en intérim dans le bâtiment
« Quand le bâtiment va, tout va ! » L’adage est peut-être plus un indicateur de tendance qu’un baromètre fiable. N’empêche, depuis le début de l’année, les agences intérimaires enregistrent une nette reprise des demandes en personnel qualifié, de la part des entreprises de BTP et construction, gros oeuvre comme second oeuvre.
« C’est même la pénurie pour certains profils, relève Camille Le Corre, responsable de l’agence Proman. Les bons coffreurs sont déjà employés, de même que les canalisateurs, par exemple. »
Véronique Boubard, responsable d’agence chez Gemo emploi, situe la reprise au début du printemps. « Plaquiste, menuisier, coffreur… Dans le gros oeuvre, comme dans le second, on se retrouve confronté à une demande qu’on a du mal à satisfaire, alors qu’en début d’année on ne leur trouvait pas de boulot. »
« Hors de question d’embaucher »
Bernard Guilhemjouan, gérant de Pôle position RH, admet l’embellie, mais la nuance. « Les chantiers augmentent en dépit d’une conjoncture toujours dégradée. Dans une vision à court terme, les entreprises recherchent de la productivité immédiate, des gens qualifiés et de la flexibilité. Par contre, hors de question d’embaucher. » Urgence ou retard sur un chantier, un autre qui démarre, l’agence intérim est l’interlocutrice privilégiée des PME ou artisans, pour des contrats plutôt courts, parfois renouvelables, mais là aussi sans grande visibilité. « Les grands groupes siphonnent les gens qualifiés, pour les missions longues, sur des chantiers publics, par exemple, poursuit Bernard Guilhemjouan, on est sur des missions plus courtes, qui durent une semaine en moyenne, parfois une journée. »
Les employeurs veulent du savoir-être
Les agences intérimaires travaillent avec des « clients exigeants, qui veulent des gens autonomes et efficaces », notent conjointement Véronique Bourba et Camille Le Corre. Pas nécessairement le mouton à cinq pattes, mais la personne qualifiée « motivée surtout », qui va « crocher » de suite sur le chantier.
Véronique Boubard le reconnaît : « Les entreprises s’attachent autant, sinon plus, à la mentalité de l’intérimaire qu’à son CV. A nous de leur envoyer le bon candidat qui va se fondre de suite dans les équipes. » Fort du même constat, le gérant de Pôle position RH appelle ça « le savoir-être. Aujourd’hui, les employeurs veulent 50 % de savoir-être. »
Les agences doivent en tenir compte dans leurs entretiens de recrutement. « Les boîtes du bâtiment travaillent à flux tendu, le nez dans le guidon, elles n’ont plus le temps de faire ce travail d’approche, de tester les gens, constatent Pôle position et Gemo emploi. Nous sommes leur sas. »
En contrepartie, le bon intérimaire peut se voir proposer un CDI. « L’intérim reste un excellent moyen de bosser, engendrer de l’expérience, de se faire remarquer d’un employeur, jusqu’à l’embauche parfois », promettent les agences, qui en font un argument de leur sérieux.
Une différence entre salaire et compétences
Reste que l’employabilité à partir de la quarantaine pose autant de problèmes qu’ailleurs. Plus pour une question de taux salarial horaire. « Les entreprises tirent les salaires vers le bas, comme on leur demande de lâcher sur leur marge. On explique à des gens expérimentés qu’ils n’auront pas le taux horaires en regard. Du coup, on a plus de mal à les mettre en poste », admettent Véronique Boubard et Camille Le Corre.
« L’âge est un frein, analyse, de son côté, Bernard Guilhemjouan. L’exigence de salaire est fondée à partir d’un certain niveau de qualification, mais si les entreprises ne suivent pas et que le candidat, indemnisé par ailleurs, refuse des missions, il court le risque de devoir justifier des trous dans son CV et voir s’espacer les missions. » Un cercle vicieux qui pose la question, toujours taboue, de l’indemnisation du chômage.