La discrimination à l’embauche : une réalité
« De nombreuses entreprises affichent leur engagement pour le respect de l’égalité de traitement et de la non-discrimination. Qu’en est-il dans les pratiques ? » Bonne question, que se pose le ministère du Travail. Car, on le sait bien, ce n’est pas une info, la discrimination à l’embauche, ça existe. Elle prend diverses formes.
Le ministère, via son bras armé la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques), s’est penché sur les discriminations liées à l’origine. Et notamment à l’origine maghrébine.
Entre avril et juillet 2016, 40 grandes entreprises, représentant 9 secteurs d’activité, ont fait l’objet d’un test, mené par l’association ISM Corum. Pour des raisons de confidentialité, l’étude ne donne ni leurs noms, ni les secteurs dans lesquels elles travaillent.
Son résultat ? Globalement, les recruteurs sont plus intéressés par les candidatures « hexagonales » que « maghrébines ».
Candidatures élaborées spécialement
ISM Corum a sélectionné des entreprises qui publient suffisamment d’offres d’emploi pour pouvoir être testées de nombreuses fois sur une période de quatre mois. Les demandes d’emploi sont déposées sur leurs sites « Carrière ».
Dans le cadre du test, aucune candidature spontanée bien sûr. Mais des candidatures élaborées spécialement, répondant à des critères très précis.
ISM Corum a utilisé la méthode du « testing par paires ». Il s’agit, comme l’expliquent les responsables de l’étude, de « proposer sur un même emploi deux candidatures rigoureusement équivalentes, à l’exception du critère dont on souhaite tester l’influence éventuelle sur les choix du recruteur ».
Deux types de métiers ont été ciblés : employé et manager. Et 147 paires de CV ont été rédigées.
1 500 tests, 3 000 candidatures
Les tests ont été répartis de manière homogène : 750 sur des offres de niveau « employé », avec des paires tantôt féminines (375 tests) ou masculines (375 tests) ; 750 sur des offres de « manager », avec des paires tantôt féminines (375 tests) ou masculines (375 tests). Soit 1 500 tests et 3 000 candidatures.
Chaque test a proposé, sur une même offre, deux candidatures équivalentes du point de vue de la formation, de l’expérience professionnelle et des caractéristiques sociodémographiques, diplôme, nationalité et lieu de résidence. La situation familiale n’a été mentionnée dans aucun CV.
Seule différence : l’origine de la personne, avec des noms et prénoms à consonance « hexagonale » pour l’une et à consonance « maghrébine » pour l’autre. Une centaine d’identités ont été utilisées.
Plutôt la candidature hexagonale…
56 % des tests ont reçu des réponses. Pour le ministère du Travail, « les résultats globaux montrent que les recruteurs ont été plus souvent intéressés par les candidatures hexagonales que par les candidatures maghrébines ».
Il note que « les écarts de traitement au détriment des candidatures maghrébines s’observent pour les recrutements d’employé comme de managers ». La première a été retenue dans 47 % des cas, la seconde dans 36 %. L’étude note que « cet écart significatif de traitement selon « l’origine » du candidat se retrouve pour les hommes comme pour les femmes ».
Au final, note le ministère, « si l’égalité de traitement a été le plus souvent appliquée par la majorité des 40 entreprises testées, les résultats de 12 d’entre elles présentent des écarts statistiquement significatifs en défaveur des candidatures maghrébines ». Des écarts qui vont de 15 points (43 % des recruteurs intéressés par la candidature hexagonale contre 28 % pour la candidature maghrébine) à 35 points (75 % contre 40 %). Quand même…